2023, une année charnière pour la politique énergétique française

Edito de Bruno Daniel, directeur maîtrise de l’énergie, mars 2023.

Le début de l’année 2023 est fortement marqué par la réforme des retraites, mais deux projets de lois portant sur l’énergie sont également en cours de validation : une loi d’accélération des énergies renouvelables, et en même temps, une loi pour la relance du nucléaire.

Ces deux textes anticipent les orientations de la future Stratégie française sur l’énergie et le climat, qui sera proposée par le gouvernement au mois de juin. Celle-ci devra traduire pour la France le rehaussement de l’objectif européen de réduction de gaz à effet de serre. Elle comprendra une Loi de Programmation Énergie Climat (LPEC), la future PPE 2024-2033 (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie), et l’actualisation de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone).

On peut s’interroger sur le choix d’organiser les débats dans cet ordre plutôt que de proposer au débat parlementaire un projet global qui serait ensuite décliné par filières.

Calendrier de la Loi de Programmation Énergie Climat
Calendrier de la Loi de Programmation Énergie Climat (source : Ministère de la Transition écologique)

Quelques avancées mais de nouveaux risques de blocage sur l’éolien

Quoiqu’il en soit, la loi d’accélération des EnR adoptée au Sénat le 7 février devrait réduire la durée d’instruction des projets éoliens, à travers des dispositions nouvelles comme la « raison impérative d’intérêt public majeur » pour des projets d’énergies renouvelables et la modulation tarifaire permettant le développent éolien là où les gisements sont moins importants. L’éolien en mer fera l’objet d’une planification par l’État.

En parallèle de ces mesures, la loi en introduit d’autres qui pourraient freiner le développement des projets à terre : l’approbation des maires concernés pour les zones de développement prioritaires des EnR qui s’apparente à un droit de veto, et la prise en compte des effets de « saturation visuelle » dans le paysage, notion mal définie qui pourrait constituer un objet de contentieux. Par ailleurs les projets hors zone prioritaire seront plus facilement attaquables.

Côté photovoltaïque, la loi crée de nouvelles obligations (équipement des parkings > 1500m² nouveaux ou existants), et facilite l’installation de PV sur les friches.

Quant à la chaleur renouvelable, elle est simplement ignorée par cette loi alors que la chaleur représente 40 % de la consommation d’énergie en France et qu’il s’agit d’un levier majeur pour sortir des énergies fossiles.

Au final une loi qui sera certainement insuffisante pour atteindre les objectifs de développement des EnR prévus dans la PPE en vigueur et qui rate deux sujets majeurs : la chaleur et les énergies citoyennes

Une ambition bien plus affirmée pour le nucléaire

La loi sur la relance du nucléaire, adoptée le 24 janvier au Sénat et le 21 mars à l’Assemblée, est sur la fin de de son parcours législatif. Elle vise la construction de 6 à 14 nouveaux EPR (réacteur nucléaire de 3ème génération), et les sénateurs ont saisi ce projet de loi pour y supprimer l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire en 2035.

Centrale nucléaire et EnR, dessin de Colcanopa, dans le Monde du 5/03/23
Le Monde, 5/03/23

Pour accélérer le développement de ces installations (prévues sur des sites nucléaires existants), celles-ci seront dispensées d’autorisation d’urbanisme et le droit d’expropriation sera assoupli.

En parallèle de ces dispositions législatives, la France mène campagne au niveau européen pour prendre en compte l’électricité d’origine nucléaire dans les objectifs de développements des EnR via un mécanisme de pondération, et pour que l’hydrogène d’origine nucléaire soit reconnu comme contribuant aux objectifs de décarbonation.

Et les citoyens dans tout ça ?

On voit à travers ces deux lois proposées quasi simultanément qu’aux yeux du gouvernement le socle de la production électrique française doit rester le nucléaire et que les EnR sont considérées comme des énergies d’appoint.

Du fait de son parc nucléaire vieillissant, la France est aujourd’hui à l’heure du choix pour dessiner l’avenir de son système énergétique. Il n’est plus possible de se reposer sur les installations existantes, quelle que soit la stratégie retenue il faudra investir massivement.

Après la publication de plusieurs scenarios et analyses pouvant donner de la matière au débat1, il est regrettable que les orientations énergétiques, qui nous engagent sur plusieurs décennies, soient décidées sans passer par un débat démocratique éclairé. La concertation nationale sur le mix énergétique organisée fin 2022 par le gouvernement, et dont aucun bilan n’a été publié, n’aura donc pas eu l’occasion de nourrir le débat parlementaire. L’impératif d’un véritable renouveau démocratique est ainsi interrogé dans la dernière revue du CLER. Vous pouvez aussi participer au prochain webinaire d’Energie partagée sur l’analyse du projet de loi Accélération ( le 27 avril, inscription ICI).

Plus que jamais en cette année 2023 il est essentiel de montrer à nos élus que les questions énergétiques nous concernent tous ! Par exemple en venant rejoindre un des groupes de travail de la coopérative dwatts…

Lettre info complète ICI.

1Le scenario négaWatt bien sûr, mais aussi ceux élaborés par l’Ademe et par RTE.